Ce matin, aussi étrange que cela puisse paraître, c'est un souvenir qui m'a réveillé.
Avez-vous déjà été réveillé par un souvenir ?
Je ne sais absolument pas comment cette pensée, qui doit avoir pas loin de 20 ans, s'est extraite d'elle-même des tiroirs grippés de ma mémoire pour revenir frapper si fort à la porte de ma conscience que j'en ai été éveillé.
Je n'ose qu'à peine retranscrire par quelques mots ce souvenir qui m'a étreint au point de me replonger presque instantanément dans une enfance quasi-oubliée...
C'était l'image d'un printemps à la campagne.
L'image du petit garçon que j'étais.
Du petit garçon qui cavale dans les herbes hautes en portant une chaise de cuisine plus grande que lui.
Un petit garçon qui s'essouffle agréablement sur le petit chemin vert, en sentant sur ces mollets nus la caresse des fleurs de pissenlit.
Un petit garçon qui porte une chaise. Qui apporte une chaise, là bas, auprès du grand pommier à demi-asséché depuis que la foudre l'avait frappé.
Ce petit garçon qui arrive enfin au pied du vieil arbre et dépose victorieusement son fardeau. Place la chaise sous les lourdes branches, à l'ombre, pas trop près du tronc, pas trop loin non plus; vérifie attentivement la stabilité de la chaise ; puis, satisfait, se retourne essoufflé vers le petit potager qui borde le chemin.
La, un homme, grand et chenu, les mains croisées derrière le dos, le regarde avec un grand sourire attendri.
Le petit garçon sourit alors à son tour. D'un de ces sourires enfantins et si parfaitement empli d'un bonheur simple et pur, de ces sourires qui nous terrasseraient littéralement de joie si nous devions à nouveau les vivre à l'age adulte.
Je me suis réveillé et j'ai pleuré.
Des larmes douces, chaudes et lourdes.
C'était tellement bon...
Et mes yeux sont humides à nouveau à mesure que j'écris ces lignes...
Ce souvenir presque oublié...
Ce souvenir simple qui m'a réveillé.
Comme un rappel...
Comme une voix qui murmure...
"N'oublie pas... N'oublie pas qui tu es..."