Voilà quelques semaines que je suis en sursis... En sursis de mon futur-ex-travail.
En effet, si je suis officieusement en vacances, je suis officiellement en "abandon de poste", en attendant d'être injustement licencié la semaine prochaine et de conclure un accord transactionnel fin janvier.
Je sais, c'est pas simple, mais je trouve mon compte au milieu de ces procédures...
Et qui dit "procédures", dit "courriers recommandés". Ce qui implique les inénarrables joies des relations avec les services postaux.
Mon immeuble dispose d'un interphone sur lequel mon invisible facteur est censé appuyer pour tenter de me remettre mes courriers recommandés.
De toute évidence, cet abruti ouvre la porte de mon hall et accède aux boites aux lettres sans même apercevoir le mètre carré de boutons rutilants appelant à la pression digitale.
Me voila donc dans l'obligation de me rendre à la poste "principale" (entendez "vétuste") pour y retirer mes recos.
Chapitre 1 :
Après une demi-heure de file d'attente, je me dirige vers un des guichets mi-ouverts (à la poste, devant tous les guichets, il y a une immuable affichette qui clame : « guichet fermé »). Je m'adresse à la... euh... ours, qui tiens le demi-guichet devant lequel je poirote :
- Bonjour Madame, je viens retirer ce recommandé s'il vous plait.
- Groumpf...
En langage ours, ça doit vouloir dire un truc du genre « bonjour Monsieur, bien sur, je vous le donne de suite, merci de patientez quelques instants »...
Maman ours fait pivoter sa chaise, et par un admirable (et travaillé) mouvement de charentaises, fait rouler sa chaise jusqu'au tiroir-classeur en acier, posé là semble-t'il depuis un siècle, quatre mètres derrière elle.
Elle farfouille à la lettre A. En fait, les vingt-cinq autres classeurs sont vides, c'est la technique postale du classement, on met tout en vrac dans la lettre A, ça fait gagner 2 minutes de tri. Alors bien sur, chaque extraction de courrier implique de se les taper un par un pour trouver le bon, ce qui prends bien cinq minutes à chaque fois (super efficace, sur le mois, ça doit bien bouffer trente cinq heures c't'histoire).
Maman ours reviens :
- Groumpf...
- Merci Madame... Dites-moi, le facteur ne sonne jamais chez moi pour me remettre les recommandés. C'est un service de la poste qui n'est donc pas honoré, et ça me fait perdre une journée à chaque fois, qu'est-ce qu'on peut faire pour remédier à ça ?
- Hein ?
Oui, alors là, c'est un grand classique, quand on pose une question avec plus de quatre mots à un guichetier, il répond « Hein ? » (C'est la grande classe, ils sont formés pour ça !). Ca sert à rien, mais ça leur laisse le temps (et la chance) de comprendre la question.
Je répète donc ma question (deux fois) et Maman ours me répond :
- Ah oui mais bon, là, faut écrire au receveur principal !
- Bon, très bien, vous pouvez me donner son adresse s'il vous plait ?
- Groumpf...
Elle griffonne l'adresse sur un bout de papier qu'elle me tend.
- euh... excusez-moi madame, mais c'est l'adresse d'ici que vous venez d'écrire...
- Ah bah oui, le receveur principal, c'est ici !
- Ici ? Dans ces bureaux là ?
- Bah oui, hein, c'est juste là, derrière cette porte !
- Je vois, je vois... Dites-moi madame, pour écrire ici, est-ce que je mets un timbre ?
- Ah bah oui, hein ! Les courriers non timbrés, ils sont pas pris en compte hein !
- Très bien, très bien. Vous êtes donc en train de me dire que pour que mon facteur honore les services de la poste, je dois venir ici avec un courrier, le poster juste là, dans cette boîte, pour qu'il soit communiqué à la personne qui est juste derrière cette porte ? Et c'est ce travail de livraison là qui coûte un timbre... j'ai bien compris ?
- Hein ?
- Hem... Au revoir Madame.
Chapitre 2 (un autre reco à aller chercher, mon facteur doit être aveugle) :
Après une demi-heure de file d'attente, je me dirige vers un des guichets mi-moderne (à la poste, devant tous les guichets, il y a une immuable affichette qui clame : « Paiements en euros acceptés »).
- Bonjour Monsieur (bah oui, y'a des Papa ours aussi), je viens retirer ce recommandé s'il vous plait.
- Groumpf...
Après quatorze minutes de recherche (j'ai chronométré !), l'ours reviens :
- Bah votre pli, il est à l'abreuvoir.
- Pardon ?
- Bah votre pli, il est à l'abreuvoir.
- Oui, je vous entends bien, mais je ne vous comprends pas...
- Bah votre pli, il est à l'abreuvoir !
- Hem... (situation de crise, essayons l'humour) Mais il va être mouillé mon courrier dans un abreuvoir ! (mdr, lol, et tout le tintouin)
- Hein ?
- Oui, bon, c'est quoi l'abreuvoir ?
- Bah la poste de l'abreuvoir ! C'est le facteur qui s'est planté, ça fait ça à tout le monde aujourd'hui !
- Bien, et vous ne pouviez pas prévenir plutôt que de laisser tout le monde faire la queue une demi-heure ???
- Bah non, hein, d'façons, on n'a pas vos coordonnées !
- Oui évidemment, vous avez juste mon adresse... et l'annuaire ça ne vous dit rien ? (je bluffe, j'ai pas de ligne fixe)
- Ah bah, c'est pas du tout le même service hein !!
- C'est pas le même service... ça vous interdit donc d'ouvrir l'annuaire... bien sur... Et dites-moi, la poste de l'abreuvoir, c'est où ?
- Bah, rue de l'abreuvoir !
- Hum... ouiii, d'accooord, et c'est où, la rue de l'abreuvoir ?
- Bah, là, vous prenez à gauche...(de sa main, il montre la droite)
- Bon, laissez tomber, je trouverai. Dites-moi autre chose : le facteur ne sonne jamais chez moi pour me remettre les recommandés, on m'a dit d'écrire au receveur principal, mais je trouve ça d'une stupidité sans bornes, puisqu'il est juste derrière cette porte. Vous pouvez me dire si il est disponible ?
- Hein ?
- (je répète)
- Ah bah je sais pas, hein, c'est pas du tout le même service.
- ... Et bien moi qui me suis toujours demandé ce qu'on faisait des réformés P4, j'ai un élément de réponse maintenant !
- Hein ?
- Non rien, excusez-moi, mes pensées et mes paroles, c'est pas le même service. Au revoir.
Epilogue :
Le lendemain, je me rends à la poste de l'abreuvoir (qui est, celle-ci, à 25mn de chez moi), une belle agence postale, vraiment moderne, avec de vrais guichets, de vrais employés qui s'occupent vraiment des clients.
Le gentil guichetier, après une recherche efficace, m'informe que les courriers qui avaient été transférés chez eux par erreur avaient été retournés immédiatement... à la poste principale !
Et bah maintenant, j'ai une certaine aversion, appréhension, quand je dois aller chercher un courrier (mon facteur de sonne toujours pas)... ça s'est vu ?