Ado, j'avais une préoccupation aussi profonde que déprimante : à quoi suis-je bon ?
Face à une famille qui me renvoyait une réponse par trop évidente (à rien), j'en étais réduit à chercher sans cesse LE domaine dans lequel, avec un grand coup de bol ou à défaut à force de travail et d'acharnement, j'aurai pu exceller.
A l'école, c'était pas brillant... J'étais plus malin qu'intelligent... J'adorais écrire mais on m'interdisait les fautes qui allaient avec, j'adorais l'histoire mais voir pendant 4 ans la première guerre mondiale et la Renaissance me gavait prodigieusement, j'aimais les sciences mais pas sans la recherche, les langues mais pas en français,... la merde.
Sportivement, je trouvais le basket, j'adorais ça (et je l'ai toujours dans la peau), mais en France, à moins d'1m80, tu ne peux pas faire ce sport.
Pas doué pour les arts graphiques, et en musique je voulais juste faire de la musique (après 2 ans de solfège, je n'avais toujours pas l'impression d'avoir commencé la musique).
Pourtant j'essayais beaucoup de choses, essayais de m’intéresser à tout et je tentais de détourner ce qu'on voulait m'enseigner pour que ça serve ce que j'attendais...
En clair : un bon à rien.
Aujourd'hui, je suis chef d'entreprise. Toute petite entreprise, mais tout de même. En sortant de l'ascenseur ce matin, en entendant les papotages de mes salariés filtrer à travers la porte, j'ai pendant un agréable instant réalisé ce que j'avais accompli jusqu'alors. J'avais donné ces moments là à des gens qui m'étaient inconnus, j'avais donné un travail enthousiasmant, un salaire, une vie professionnelle à ces collègues.
Oh, bien sur, avec ou sans moi, ils auraient fait leur chemin. Mais là, leur chemin passait, agréablement semble-t'il, par les bureaux de ma petite entreprise.
Et bien pour construire ça, finalement, il m'aura fallu être ce fameux bon à rien.
Ce type sans spécialité, ce touche à tout, ce mec bizarre qui s’intéresse une heure à ses clients, une heure à ces offres, une heure à la technique, une heure à la compta, une heure au commercial, une heure au réseautage, une heure à la stratégie, une heure à chacun de ses collègues...
Je suis pas encore bien fortiche, et j'apprends tous les jours, mais objectivement, si j'avais été meilleur... j'aurai été moins bon !
La roue tourne, et le monde aussi...
...même si une incompétente vulgaire, méchante et médiocre, qui n'a pas même l'aptitude de distiller une petite demi-heure d'exposé agréable, est aujourd'hui ministre de l'apprentissage dans ce pays... et personne n'y trouve à redire.